Diplôme ou expérience, qui prime ?

“Nulle part ailleurs dans le monde (qu’en France), la question de savoir où vous avez fait vos études ne détermine si profondément votre carrière.” écrit le journaliste britannique Peter Gumbel dans son livre “Elite Academy”. Malgré cela, une question règne depuis de nombreuses années, Qui prédomine entre l’expérience et les diplômes pour la carrière professionnelle ?

En France, beaucoup estime que le diplôme est déterminant pour leur carrière. “On n’a pas de seconde chance” nous explique Marie Duru-Bellat, professeure à Sciences Po. C’est donc souvent très jeune que nos choix sont cruciaux et qu’ils vont déterminer notre carrière professionnelle. Cependant, une statistique vient déconstruire cette idée. En effet, seulement 45% des jeunes en emploi considèrent que leurs études les aident beaucoup dans leur travail. Le sondage réalisé par la plateforme Monster en 2015, estime que “le manque d’expérience est le principal frein à l’embauche selon les jeunes diplômés”. Alors, les études nuisent-elles à la possibilité d’engranger de l’expérience ?

Petit saut dans le temps

Comme nous l’explique Catherine Agulhon, maître de conférences à Paris Descartes, dans son livre “Diplômes-expériences : complémentarité ou concurrence” nous sommes passés, en trente ans, d’une société “où la scolarisation et donc la “diplômation”, étaient faibles, à une société où l’école et le diplôme apparaissent comme des passages obligés” ce qui traduit donc un changement dans la relation diplômes-expériences ainsi qu’à celle de l’accès à l’emploi.

Sur la notion d’expérience, elle est restée floue durant de nombreuses années, même aujourd’hui encore, on se demande s’il s’agit de “l’expérience reconnue dans les classifications”, de la formation sur le tas, ou bien des acquis dans l’alternance et les formes de socialisation des acteurs sociaux. Comment la mesurer ? La quantifier ? Jusqu'où peut-elle être prise en compte ? Toutes ces questions restent encore en suspens.

Une expérience qui complète le diplôme

Pour Verdier, “la reconnaissance des diplômes n’est qu’une possibilité qui dépend d’une négociation laissée à la discrétion des branches, alors qu’ils ont été créés le plus souvent à la demande des professions. (...) Dans une conjoncture caractérisée par un rationnement de l’emploi, le diplôme devient d’abord une protection contre le chômage, ensuite un positionnement pour l’accès aux marchés internes et enfin le facteur-clé d’une carrière salariale articulée à la constitution d’une qualification au caractère fortement spécifique.” Il nous montre par là qu’il existe une complémentarité entre les diplômes et l’expérience, que le diplôme à lui seul n’est pas suffisant, qu’il doit être complété par une expérience professionnelle. Vinokur, enseignant et écrivain, nous explique qu’aujourd’hui, l’éducation nationale affirme que les diplômes et la qualification sont équivalents. On peut noter comme exemple qui confirme ce point la VAE (Validation des acquis de l’expérience) ou le fait d’avoir assez d’expérience professionnelle permet d’obtenir un diplôme/titre/certificats de qualification professionnelle.

Cependant, ce n’est pas toujours le cas pour les entreprises.

La taille des entreprises

Ce qui pèse le plus dans la balance pour les entreprises, c’est avant tout le profil recherché. Ils favorisent en majorité les personnes avec une expérience qui ont déjà fait leurs preuves à des "jeunes diplômés sans expérience". Pour les startups, ils sont, en majorité, moins hésitants quant à l’embauche de ces jeunes recrues (bien sûr, cela peut dépendre de l’emploi.)

Ainsi, sur 1 000 recruteurs franciliens interrogés par l’OFEM, seulement 52% estiment que les diplômes valident des formations de bon niveau. On remarque aussi que plus l’entreprise est petite, moins le diplôme est important avec des personnes niveau bac ou moins (73,5% de leurs effectifs). Tandis que les grandes entreprises favorisent les personnes à bac + 5 (qui représentent 61% de leurs effectifs). On peut aussi supposer qu’un des biais de l'interprétation de ces statistiques est que, par effet inverse, comme on est petit, on ne peut pas recruter de profils diplômés.

La vague des nouveaux métiers

Depuis de nombreuses années, avec le développement des nouvelles méthodes de travail et des technologies, on remarque que le monde du travail change. Des compétences émergentes, associées à de nouveaux métiers, ne sont pas encore définies par des diplômes (ou du moins des diplômes reconnus). Dès lors, on va s’intéresser aux capacités et potentiel du collaborateur, pour s’adapter et développer ses nouvelles compétences.

Pierre Manière et Sylvain Rolland nous expliquent cela à travers différents articles “100 métiers d’avenir… pour la génération Z. La génération “Z”, qui sont les “digital natives, la nouvelle génération silencieuse” ou les “Z”, désignant les nouveaux collaborateurs nés entre 1995 et 2009. Ce sont eux qui amènent les mutations sociétales, selon le cabinet Ernst et Young, où l’on parle d’une “révolution des métiers” : Avec 90% des dirigeants qui “anticipent des changements majeurs dans les métiers de leurs équipes et 39% pensent qu’ils vont toucher plus d’un quart de leurs effectifs.”

Un juste milieu

Ainsi, se demander ce qui prime entre le diplôme et l’expérience n’a plus vraiment de sens, mais plutôt de s’interroger sur ce que le collaborateurs est capable de réaliser demain, ce qu’on appelle “évaluer son potentiel". Cette évaluation peut alors être appuyée par un diplôme et / ou une expérience. En cela, de nombreux sociologues et managers estiment que le futur sera dominé par les parcours hybrides (type alternance). Pour eux, les formations sont “vouées à être professionnalisantes”. Les recruteurs conseillent alors aux étudiants, futurs collaborateurs et futurs talents “moins de bouquins, plus de terrain”.

Conclusion

L’expérience et les diplômes sont certes un frein au chômage, mais qu’advient-il quand la notion de "surdiplômé" entre en jeu ? Quand tous les bagages sont en mains, mais qu’ils sont dès lors trop nombreux et trop remplis pour le recruteur ? Cette sur-éducation peut devenir un fardeau plus qu’un avantage.

Contre cela, il est nécessaire de mettre en avant son expérience, de savoir valoriser ses softs skills, ses engagements, son implication associative et extrascolaire. L’expérience est donc bel et bien un atout, et elle accompagne et valorise les diplômes.

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